vendredi 28 mars 2008

The sound of one hand clapping

Quoi, deja deux semaines que je n'ai rien ecrit sur le blog? Ahlala, comme le temps file, j'ai a peine eu le temps de dire "plouf" que ca y est on deja demain, c'est dingue...!
(C'est marrant, j'ecris d'un ordinateur parisien mais j'ai tellement perdu l'habitude de taper avec accents que je dois maintenant me rééduquer aux accents, ou peut-etre pourrais-je laisser tomber les accents... mais non c'est pas possible, d'abord maintenant les gens sauraient que si je ne mets pas d'accent à "patisserie" c'est que je ne suis jamais très sûre de moi sur ce coup-là... )

La semaine derniere, j'etais chez Vandana, a Bombay, et je feuilletais "the Art of Looking sideways", un livre d'Alan Fletcher , designer illustre dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce soir-là, je suis tombée sur cette phrase et je me suis dit, tiens comme c'est bien dit, c'est un peu le sentiment qui sourdait en moi mais je ne savais comment le formuler...

Quand je suis arrivée à Bombay, je venais de lire "Maximun city" un très beau livre du journaliste Suketu Mehta qui est un portrait déprimant de Bombay à travers des portraits de quelques-uns de ses millions d'habitants, beaucoup de gens qui ont des vies très misérables, des prostituées, des habitants de bidonvilles, aussi quelques flics et quelques bureaucrates et aussi toutes sortes de mafieux et de corrompus jusqu'à l'os ... Et puis voilà, moi je suis arrivée à Bombay comme une fleur et j'y ai passé trois belles journées...


Ma première journée fut occupée principalement à pleurnicher dans les bureaux de Jet Airways, pleurnicher parce qu'ils voulaient me faire payer de lourdes indemnités pour avoir modifié de manière sauvage ma date de billet retour... mais comme j'ai un peu d'expérience dans le pleurnichage, en particulier pleurnichage aux comptoirs des compagnies aériennes, tout s'est bien terminé... ça a juste pris quatre allers et retours dans leurs bureaux, intercoupés par trois appels en France depuis des téléphones publics situés stratégiquement au milieu de gros carrefours pour être sûr qu'on ne s'entende pas...

La deuxième nuit, j'ai dormi chez Nico... et au petit-déj, son chien Struppi a voulu me piquer mon oeuf au plat, mais il n'a pas osé...

Struppi a de petits problèmes de santé et Nico le soigne avec une potion ayurvédique...

Nico habite chez ses parents dans une banlieue Nord et verte de Bombay qui s'appelle Borivali, c'est près d'un parc naturel où vit un tigre gentil... Dans les rues de Borivali poussent de nombreux arbres incroyables...


On est allé sur le pont de Mahalaxmi d'où l'on a une vue imprenable sur l'un des plus grands "dhobi ghats" de la ville. Un dhobi ghat c'est une blanchisserie en plein air où chaque jour, des kilos et des kilos de linge venu des quatre coins de la ville sont lavés dans de grands bassins puis séchés sur de longues cordes à linge.

Sur la photo, on peut voir des rangées d'uniformes de chauffeurs de rick-shaws, des guirlandes d'uniformes de collégiens et -giennes et aussi toutes sortes de culottes d'anonymes...
Ensuite, on s'est dirigé vers Banganga tank, une citerne sacrée... Elle est sacrée car l'eau y est sacrée, l'eau y est sacrée car la légende raconte que quelqu'un de sacré qui avait du chagrin a tant pleuré que ses larmes ont formé un petit lac... (Comme vous pouvez le constater après plus de six mois en Inde, mes informations historiques et culturelles sont toujours aussi percutantes...!)

Banganga, c'est aussi le nom du petit quartier de petites maisons construit aux alentours de la citerne qui est charmant et incroyablement paisible en comparaison au tumulte de la grande ville...
(photo moyennement convaincante destinée à illustrer le tumulte)
Nico voulait m'emmener à Juhu Beach, une plage de Bombay où il est évidemment hors de question de se baigner tant l'eau y est dégueulasse, mais où il y a un robot grandeur nature (oui j'ai bien dit un robot grandeur nature) vert et clignotant qui dit des trucs bizarres aux oreilles des passants... Pour Nico, ce robot vert clignotant c'est le top de ce que les indiens ont à proposer en matière de kitsch et elle pensait que je ne devais rater ce spectacle sous aucun prétexte...
Bon, finalement nos errances nous ont conduit plus près de Chowpatty beach, une autre plage, sans robot mais avec d'autres attractions et on a opté pour celle-là...


A Chowpatty beach, il y a du sable très doux, quelques manèges actionnés à la main et des dizaines d'étals de nourritures, des vendeurs plus ou moins ambulants qui proposent du maïs grillé et du chaï, et des centaines d'indiens, le plus souvent venus en famille ou en couple pour y passer un bout de la soirée, y dîner ou juste y manger une boule de glace à la pistache... On a goûté au "bhelpuri", un divin mélange de lentilles, patates douces, mangue verte, coriandre, vermicelles croustillants, tomates et d'encore une dizaine d'ingrédients que je n'ai pas tous identifiés, je regrette de n'avoir rien pour illustrer cette expérience gastronomique intéressante mais 1/ il faisait assez sombre et 2/ c'était si bon qu'à vrai dire, on a dévoré notre bhelpuri avant de penser à éterniser le moment...

Mon troisième et dernier jour à Bombay, j'ai erré et bu pas mal de chaï, manger une salade dans un café un peu chic avec d'autres couchsurfeurs et le soir, mon sac lourd de "Mysore sandalwood soap" et autres petites conneries indiennes, je suis arrivée chez Vandana avec qui j'ai partagé mon dernier repas indien en Inde (je précise car pas plus tard qu'hier je suis allée manger des idlis chez Krishna à la Chapelle donc au fond, il y a encore de l'espoir), et puis la voisine de Vandana est venue dire bonjour et a décoré nos mains au henné (en Hindi, "mehendi").
On utilise pour cela de la pâte de henné vendue en cones, c'est le même principe que les douilles à pâtisserie pour écrire des trucs sur les gâteaux...


Le henné, ça forme assez rapidement une fine croûte puis il faut attendre environ trois heures avant que la croûte ne s'effrite petit à petit jusqu'à laisser place à un dessin propre. Donc je suis partie pour l'aéroport de Santa Cruz (si si on est toujours en Inde, mais c'est le nom de l'aéroport international de Mumbai alias Bombay ou vice-versa) avec ma main pleine de henné même pas sec, c'était pas très pratique mais c'était marrant, j'en ai mis un peu partout...


Bon, il est temps de faire un petit flash-back, j'ai oublié un épisode important de mon voyage... dix jours plus tôt j'étais arrivée à Kodaikanal...

A Kodaikanal, il y a une végétation très particulière (je dirais même "endémique" si je n'avais pas peur de vous enduire de mes informations pseudo-scientifiques de bazar), en tout cas, on y trouve des fruits qu'on ne trouve nulle part ailleurs... comme par exemple ces "tree tomatoes" qui poussent donc bien sur des arbres mais qui ont un goût et une consistance de fruits de la passion...

Sur la route qui mène de Kodai (comme on dit) à Perumalmalai, un grand panneau que je trouve rigolo... (Il y en avait un autre que je n'ai pas eu le temps de photographier - le bus roulait trop vite- qui disait "Wear a helmet, avoid death", oui éviter de mourir c'est une bonne idee au fond...)


Après trente minutes de route de montagne dans un bus qui diffuse du film tamoul à un volume de discothèque, on arrive au village de Perumalmalai... si on prend le petit chemin qui part sur la gauche et qu'on le suit pendant une vingtaine de minutes, on arrive a Bodhizendo...



Voici, une devinette zen, ça s'appelle un "koan" et c'est assez mystérieux, c'est sûr...!

(Ces devinettes sont lancées par les maitres zen à leurs disciples et quand ils trouvent la signification du koan, cela signifie qu'ils ont atteint l'illumination, le nirvana... )

Bon, en ce qui me concerne, je n'étais absolument pas venue chercher l'illumination mais j'avais simplement envie d'essayer de pratiquer un peu la méditation après avoir croisé un paquet de gens qui m'avaient convaincu que c'était une bonne chose à faire ou au moins à expérimenter...
La méditation pratiquée dans le bouddhisme zen s'appelle "zazen", ce qui signifie "seulement s'asseoir", l'idée c'est donc de s'asseoir, tout simplement, et de se concentrer sur sa respiration pour calmer l'esprit ("cet éléphant en rut!"), essayer de ne pas penser, de ne penser à rien et d'oberver les pensées qui immanquablement apparaissent à l'esprit, au début sans discontinuer puis à un rythme un peu moins effréné - mais effréné quand même - les observer comme on observe passer les nuages, sans s'identifier à elles, sans s'y attarder et sans s'y accrocher...

(Vue du petit pavillon de thé dans le jardin de Bodhizendo, un jour de brume)

C'est un exercice très intéressant, tout d'abord c'est impressionant d'observer comme notre esprit ne cesse de nous entraîner dans toutes les directions, dans le passé pour revivre des scènes et des dialogues par exemple, dans le futur pour faire des plans, des listes, des simulations de rencontres potentielles... et en se concentrant sur la respiration, on essaye de ramener l'esprit dans le présent.
L'idée d'être dans l'instant présent, ici et maintenant, c'est d'être plus dans la réalité, d'être plus conscient, d'être plus concentré, plus à l'écoute, de vivre les choses plus intensément. Les "choses", c'est les relations avec les gens, c'est manger des petits pois et c'est faire la vaisselle, marcher dans la rue ou dans la forêt, tout quoi... Pour moi, cela voudrait dire par exemple, être capable de contempler un beau paysage sans simultanément être en train de faire mentalement une liste ou de repenser à ce que quelqu'un m'a dit il y a un jour ou il y a un an, d'être capable d'écouter quelqu'un me raconter une histoire sans que mon esprit m'entraîne vers d'autres horizons au bout de dix minutes...


Bref, c'était une expérience très apaisante et éclairante, et puis il y a des petits effets secondaires très intéressants à cet exercice... Pendant cette semaine à Bodhizendo, je me rappelais de mes rêves assez précisément presque toutes les nuits, de vieux souvenirs me revenaient, et aussi, d'une manière générale je me suis sentie très sereine, j'avais l'impression d'y voir un peu plus clair dans ma vie, de ce que j'en fais et ce que j'aimerais en faire...

A propos de méditation, on m'a dit que "Across the Universe", la chanson des Beatles y faisait allusion, je n'avais jamais prêté attention aux paroles, je les trouve très belles...

Words are flowing out like endless rain into a paper cup,
They slither while they pass, they slip away across the universe
Pools of sorrow, waves of joy are drifting through my open mind,
Possessing and caressing me.

Jai guru deva om
Nothing's gonna change my world, nothing's gonna change my world

Images of broken light which dance before me like a million eyes,
That call me on and on across the universe,
Thoughts meander like a restless wind inside a letter box they
Tumble blindly as they make their way across the universe.

Jai guru deva om
Nothing's gonna change my world, nothing's gonna change my world.

Sounds of laughter shades of earth are ringing
Through my open views inciting and inviting me,
Limitless undying love which shines around me like a million suns, it calls me on and on across the universe.

Jai guru deva om
Nothing's gonna change my world, nothing's gonna change my world.


Il y a quelques mois, j'ai traversé une petite période où j'avais l'impression de perdre la mémoire, je racontais une histoire et d'un coup je réalisais que j'avais oublié la fin, des noms de gens et de lieux m'échappaient souvent... Je me suis dit que c'était peut-être la chaleur tropicale qui engourdissait mon esprit, je me suis imaginé que peut-être mon cerveau ramollissait à force de se reposer! J'étais un peu inquiète et je me suis dit que je devais faire faire de l'exercice aux muscles de ma mémoire... J'ai pris la résolution d'apprendre chaque jour les paroles d'une chanson par coeur (je n'ai pas respecté la dose que je m'étais prescrite mais bon...) , je suis allée dans un café internet m'imprimer des tas de paroles de chansons, beaucoup de Beatles et je les ai apprises comme une enfant sage, et un jour à la terrasse d'un café, un américain qui s'appelle Andrew m'a raconté le sens profond de cette chanson, et je me suis exclamé "bon sang mais c'est bien sûr" (en anglais "wow amazing") ...!

A Bodhizendo, il y a un grand jardin potager et un petit jardin zen...

J'aime ces jardins zen philosophiques, chaque élément a un sens, ce sont métaphores du monde et de l'homme... Dans l'eau qui symbolise la vie, il y de belles carpes... Le petit pont représente le passage symbolique de ce monde de souffrance au monde du nirvana ou un truc dans ce genre...


Pendant mon séjour à Bodhizendo, une tempete a soufflé pendant sept jours sans discontinuer, je crois même qu'on peut appeler ça un cyclone...


Les bougainvilliers en ont pris un sacré coup, sur le pavé, leurs pétales ressemblaient a des confettis...



Dimanche matin, apres six jours de silence, j'ai avalé un bol de müesli, dit au revoir a mes compagnons de zazen, puis j'ai filé en taxi pour Dindigul (joli nom, ville pas si jolie) pour attraper le Mumbai Express qui devait me ramener a Bombay... Le train etait presque a l'heure, ce qui n'arrive pas tous les jours avec la Indian Railways mais heureusement un petit peu en retard quand meme pour me laisser le temps de prendre quelques photos sur le quai de la gare...



Ce vieux monsieur dort dans une position attendrissante...

J'aime cette photo, j'aime le regard de l'homme de droite...



Elles, ce sont mes compagnonnes de train...
... on a passé trente-deux heures de train ensemble, ça crée des liens c'est sûr, on a partagé du thé et des bananes et j'ai pu leur mettre dans les oreilles un peu d'Edith Piaf et de Brassens grâce à mon nouveau lecteur mp3. Sur la photo elles ont un air un peu sinistre mais ne vous fiez pas aux apparences car en fait ce sont des rigolotes et cette photo confirme la règle dont je vous faisait part la semaine passée (ou celle d'avant), en fait, elles se marraient tout le long du trajet...!